Avertissement : Le sujet abordé dans cette série d’articles peut heurter la sensibilité de certains lecteurs. L’auteur s’excuse par avance si ses propos ou ses choix de traitement du sujet viennent à choquer ou blesser. L’intention n’est en aucun cas d’ajouter de la souffrance à la souffrance, mais de montrer comment cette thématique est abordée dans la Bible, avec respect et bienveillance.
Quand on parle de souffrance, on pense blessure, cicatrice, fracture, sang. Douleur physique, donc.
Au moment où j’ai commencé à réfléchir à cet article, j’ai essayé de lister les moments de ma vie où j’ai ressenti une douleur physique, au-delà de mes genoux souvent égratignés de petite fille (même si, on est d’accord, les graviers de la cour de récré faisaient vraiment mal). J’en suis arrivée à la conclusion que le jour où j’ai vraiment souffert physiquement était le jour de mon accouchement. Je me targue pourtant d’être une fille assez solide, qui aime le dépassement de soi. Mais j’ai un souvenir vraiment atroce de ces contractions, contre lesquelles je ne parvenais pas à lutter, le souffle court et le corps prostré (et aussi un souvenir ému de l’anesthésiste venu me poser la péridurale, il faut bien l’avouer !).
Comment définir la souffrance physique ?
“La douleur est une sensation désagréable et complexe (…). Cette sensation provient de l’excitation des nerfs lors d’une lésion tissulaire réelle ou potentielle.” (définition de l’ARS)
La douleur physique est au départ un signal d’alarme, envoyé par le corps, pour signaler au cerveau que quelque chose d’anormal est en train de se passer. Son but est la préservation de l’intégrité du corps. Cette sensation s’impose absolument et interdit toute détente, tout repos, tout bien-être. Il paraît bien légitime de vouloir s’en débarrasser. Si j’ai mal à la tête, je vais prendre un Doliprane, plutôt que de ne rien faire.
La douleur physique, souvent déstabilisante et brutale, n’est pas une expérience nouvelle pour l’humanité. Si aujourd’hui encore nous cherchons à fuir la souffrance par des médicaments ou des thérapies, que nous dit la Bible à propos de cette douleur qui semble nous prendre au piège ?
Ce que dit la Bible de la souffrance physique dans l’Ancien Testament
On retrouve cette plainte du malade souffrant chez Job, atteint d’une maladie dermatologique (âmes sensibles s’abstenir !) :
Ma chair s’est revêtue de vermine et de croûtes terreuses, ma peau se crevasse et suppure.(Job 7:5)
Il va crier vers Dieu pour que ses souffrances cessent :
J’en arrive à souhaiter qu’on m’étrangle : la mort plutôt que mes douleurs ! Je suis à bout de patience, je ne vivrai pas toujours ; laisse-moi donc : mes jours ne sont qu’un souffle ! (Job 7:15-16)
Même chose chez les Hébreux, réduits en esclavage en Egypte :
Du fond de leur esclavage, les fils d’Israël gémirent et crièrent. (Exode 2:23)
On peut voir dans ces deux passages que la réaction face à la souffrance physique est la même : un cri. Cri de douleur, cri de désespoir, cri de rébellion ? On peut voir dans ce cri la manifestation physique de la douleur ressentie. Mais aussi un aveu d’impuissance.
Nous subissons la douleur physique, sans pouvoir l’éviter. Elle est donc doublement difficile à supporter : d’une part parce qu’elle nous fait concrètement souffrir, et d’autre part parce que nous sommes passifs et impuissants face à quelque chose que nous n’avons pas choisi, que nous ne pouvons pas maîtriser.
Face à cela, on peut se révolter, être en colère, fataliste, déprimé, ou bien consentir. Ou tout cela à la fois. J’ai été très touchée dernièrement par le témoignage de cette jeune fille, Clémence, atteinte d’un cancer généralisé sans espoir de guérison.
Ce que dit la Bible de la souffrance physique dans le Nouveau Testament
Nombreux sont les souffrants et les malades qui viennent voir Jésus pour lui demander de soulager leurs douleurs : le serviteur d’un centurion (Matthieu 8:5), un aveugle (Jean 11:1), un lépreux (Luc 5-12), la belle-mère de Pierre (Marc 1:29), un paralytique (Matthieu 9-1), une femme hémorragique (Marc 5:24), une femme courbée (Luc 13:10), un homme à la main paralysée (Marc 3:1), un épileptique (Matthieu 17:14)… Il fait même repousser l’oreille d’un serviteur du grand-prêtre tranchée par l’un des disciples, lors de son arrestation !
L’un d’eux frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l’oreille droite. Mais Jésus dit : « Restez-en là ! » Et, touchant l’oreille de l’homme, il le guérit. (Luc 22:50-51)
On a l’impression que Jésus ne peut supporter la souffrance physique endurée par les hommes et que tous ceux qui s’approchent de lui pour lui demander le soulagement et la guérison l’obtiennent.
Plus loin, lors des différents récits de la Passion, c’est Jésus lui-même qui souffre dans son corps :
Entré en agonie, Jésus priait avec plus d’insistance, et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient sur la terre. (Luc 22:44)
Alors ils lui crachèrent au visage et le giflèrent ; d’autres le rouèrent de coups. (Matthieu 26:67)
Ils lui enlevèrent ses vêtements et le couvrirent d’un manteau rouge. Puis, avec des épines, ils tressèrent une couronne, et la posèrent sur sa tête ; ils lui mirent un roseau dans la main droite et, pour se moquer de lui, ils s’agenouillaient devant lui en disant : « Salut, roi des Juifs ! » Et, après avoir craché sur lui, ils prirent le roseau, et ils le frappaient à la tête. (Matthieu 27:28-30)
Jésus, en prenant la condition des hommes n’échappe pas à la souffrance physique. Le supplice de la crucifixion est particulièrement douloureux.
Je me souviens avoir été choquée lors du visionnage du film de Mel Gibson La Passion du Christ par le côté très “gore” de certaines scènes, hélas très réalistes.
On peut voir un témoignage concret de ce corps martyrisé en regardant le linceul de Turin. Il est analysé dans cette vidéo par un médecin légiste qui fait bien état des souffrances physiques atroces subies par le Christ.
On peut trouver cela étrange de la part de Dieu, d’avoir voulu prendre notre condition humaine et souffrir. Une réflexion m’avait interpellée lorsque j’avais lu Oscar et la Dame rose du romancier Eric-Emmanuel Schmitt :
“- De qui te sens-tu le plus proche ? D’un Dieu qui n’éprouve rien ou d’un Dieu qui souffre ?
– Celui qui souffre évidemment… Mais moi si j’étais Dieu j’éviterai de souffrir…”
La souffrance physique reste donc à la fois révoltante et mystérieuse. Mais elle est quelque chose que Dieu lui-même a expérimenté…
Elle nous confie sa souffrance
Nathalie, 65 ans, victime d’un Accident Vasculaire Cérébral (AVC) à l’âge de 29 ans et atteinte depuis lors d’une hémiplégie spastique du bras gauche (les muscles sont contractés, crispés en permanence et le bras est raide).
Bible.fr : Peux-tu nous parler de ton accident et de ce qu’il a changé dans ta vie ?
Nathalie : L’accident fut très brutal et inattendu… C’était un 15 août, j’étais en train d’étendre le linge avant de partir déjeuner au restaurant avec mon mari et mes quatre enfants. Je me souviens que d’un seul coup tout est tombé par terre. J’ai eu très mal à la tête, des nausées, et puis je suis tombée en prenant une douche. La prise en charge médicale a été mauvaise : notre voisin, un généraliste, n’a pas compris ce qui m’arrivait. Ensuite à l’hôpital, ça a été compliqué car nous venions d’emménager en Allemagne et que je ne parlais pas un seul mot d’allemand ! Au cours des examens d’entrée à l’hôpital, ils m’ont appris que j’étais enceinte : je n’ai donc presque pas eu de traitement, alors que je souffrais de migraines affreuses… Au bout de quelques jours, je suis rentrée chez moi pour ma convalescence. Je me souviens avoir “récupéré” assez vite.
Mais quelques temps après mon accouchement, mon bras a commencé à se raidir…
J’ai dû faire le deuil de certaines choses que j’aimais faire (jouer du piano, faire de la couture), de projets (un autre enfant) ou encore d’avoir une allure plus élégante.
Bible.fr : Comment décrirais-tu la douleur que tu ressens ? Est-elle constante, variable ?
Nathalie : Variable, selon les gestes et les moments, la fatigue, le moral…
Bible.fr : As-tu l’impression que les autres comprennent ce que tu ressens ?
Nathalie : Je ne pense pas. Je pense que face à la souffrance, chacun est seul. Même si la présence ou la compassion des autres est précieuse !
Bible.fr : As-tu trouvé des stratégies pour mieux gérer ta souffrance, que ce soit physiquement ou psychologiquement ?
Nathalie : Je me barre ! Je vais me balader ou je vais chez Monoprix ! Dans ces moments-là, j’ai envie de profiter de la vie, de passer aux choses légères et joyeuses.
À d’autres moments, j’agis comme si ça n’était rien, que ça n’existait pas.
Bible.fr : Qu’est-ce que la souffrance a changé chez toi ?
Nathalie : Peut-être que ça a développé mon empathie… J’espère ! Et ma joie de vivre, grâce au désir de mettre Jésus au cœur de tout ça ! C’est certainement un des seuls points positifs.
Comme Nathalie le partage, la souffrance physique, bien que profonde et difficile, peut aussi être une occasion de transformer notre manière de regarder la douleur et le monde qui nous entoure. Elle peut, pourquoi pas, nous permettre de mettre Dieu au centre de notre vie.
C’est ce que la Bible nous invite à voir : dans la souffrance, il y a une possibilité de se rapprocher des autres et de Dieu, même lorsque la douleur semble nous isoler.