Le poids du coeur

Avertissement : Le sujet abordé dans cette série d’articles peut heurter la sensibilité de certains lecteurs. L’auteur s’excuse par avance si ses propos ou ses choix de traitement du sujet viennent à choquer ou blesser. L’intention n’est en aucun cas d’ajouter de la souffrance à la souffrance, mais de montrer comment cette thématique est abordée dans la Bible, avec respect et bienveillance.

“Avoir le coeur gros” ou “avoir le coeur lourd”. Ces expressions me revenaient souvent en tête lorsque j’étais en deuil de notre petite fille, décédée au cours du dernier trimestre de grossesse. J’avais vraiment la sensation que cet organe niché dans ma poitrine prenait plus de place, de volume, de pesanteur que d’habitude.  Mes gestes, ma démarche étaient plus lents, comme entravés par ce cœur endolori.

Au cours de notre vie, nous sommes tous régulièrement confrontés à des souffrances émotionnelles : rupture amoureuse, conflits familiaux, deuil, abandon, trahison, injustice, humiliation… Ces souffrances, invisibles extérieurement, nous blessent pourtant aussi vivement qu’une arme ou une chute. Elles sont d’ailleurs peut-être d’autant plus difficiles à accepter et à légitimer qu’elles sont invisibles. 

La Bible nous montre de nombreux personnages vivant les mêmes détresses et souffrances émotionnelles que nous. Cela peut nous encourager à les accepter, et parfois nous donner des pistes pour les apaiser.

La blessure d’abandon : se sentir rejeté et seul
Le mal 💔

De nombreux personnages ont subi un abandon dans la Bible : Joseph, abandonné par ses frères jaloux dans une citerne, Job délaissé par ses amis alors qu’il a perdu toute sa famille et ses biens, Hagar chassée par deux fois dans le désert, Moïse abandonné sur le Nil…

Même Jésus, pendant sa Passion (ses souffrances depuis son arrestation jusqu’à sa mort sur la croix, en passant par ses tortures) a été délaissé par tous. Son ami Judas le trahit pour quelques pièces, d’autres s’endorment alors qu’il leur demande du soutien, Pierre, son “bras droit” nie le connaître par trois fois la nuit où il a été arrêté, … A tel point qu’il s’exclame sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Marc 15:34).

Dans un tel moment, il peut paraître étrange de la part de Jésus de ne pas crier sa douleur physique mais sa souffrance morale (il vient pourtant d’être torturé). C’est le sentiment d’abandon qui sera l’expression de son dernier cri.

De quoi nous montrer la place centrale de la souffrance du cœur…

J’ai la joie d’être aujourd’hui maman de deux enfants que nous avons adoptés avec mon mari. Extérieurement, ils sont très beaux (je suis objective !), vifs, en bonne santé, rieurs, futés… Mais ils sont tous deux marqués au fer rouge par leur blessure d’abandon de la part de leurs parents biologiques. Cette blessure indélébile provoque des réactions parfois étranges, des colères incontrôlées… Malgré l’amour que nous avons pour eux, les soins que nous leur apportons, rien ne pourra guérir cette souffrance qu’ils éprouvent et qui surgit parfois de manière imprévue. 

Le remède ❤️‍🩹

La Bible montre que Dieu répond aux blessures d’abandon avec amour, réconfort et restauration. Il promet sa présence fidèle et constante, recueille ceux qui sont rejetés, console les cœurs brisés.

« « Le Seigneur m’a abandonnée, mon Seigneur m’a oubliée. » Une femme peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de tendresse pour le fils de ses entrailles ? Même si elle l’oubliait, moi, je ne t’oublierai pas car je t’ai gravée sur les paumes de mes mains. » (Isaïe 49:14-16)

On peut confier à Dieu sa peine, sa blessure, en lui parlant comme à un ami dans un lieu où on se sent bien, ou en lui écrivant. Mettre des mots sur ce que l’on ressent permet parfois de prendre du recul et d’accueillir la consolation qu’Il nous offre.

La rupture amoureuse : quand l’amour fait mal
Le mal 💔

Pourquoi souffrons-nous autant lors d’une rupture ? Au-delà de l’aspect chimique (baisse brutale de la dopamine), le “chagrin d’amour” est particulièrement douloureux car il vient renforcer des blessures émotionnelles :

  • la perte : j’ai perdu l’être aimé.

Agar et Abraham : Agar a eu un fils avec Abraham dont la femme Sara était stérile. Cette dernière, jalouse, va obliger Abraham à chasser Agar après la naissance de leur fils Isaac. Une histoire de blessure amoureuse, due à une relation brisée par une influence extérieure.

  • le rejet : je l’aime encore, mais il/elle me rejette.

Osée et  Gomer : Osée, un prophète, a épousé Gomer, une femme infidèle qui l’a quitté pour d’autres hommes. Pourtant, Dieu lui a demandé de la reprendre et de continuer à l’aimer, illustrant l’amour fidèle de Dieu pour Israël malgré ses infidélités. Osée a souffert d’un amour non réciproque et d’une trahison répétée.

  • la trahison : où sont les promesses d’amour éternel que nous nous étions faites ?

Samson et Dalila : Samson est tombé amoureux de Dalila, mais elle l’a trahi en vendant son secret aux Philistins. Cette trahison a mené à sa capture et à sa perte. Une relation où l’un donne tout par amour, tandis que l’autre profite et trahit (je trouve cette scène de l’opéra de Saint-Saëns bouleversante, à ce sujet).

Le remède ❤️‍🩹

La Bible montre que Dieu répond à ceux qui vivent un chagrin d’amour par sa proximité, sa guérison (“Il guérit les cœurs brisés et soigne leurs blessures” Psaume 146:3). 

Il nous rappelle que notre valeur n’est pas dépendante d’une relation amoureuse, mais de son amour fidèle et inébranlable. 

C’est que tu as du prix à mes yeux, tu comptes beaucoup pour moi et je t’aime.” (Isaïe 43:4)

Le deuil : quand la perte semble insurmontable
Le mal 💔

S’il y a une souffrance à laquelle personne n’échappe, c’est bien le deuil. Les personnages de la Bible ne font pas exception : Job perd tous ses enfants d’un coup, Naomi son mari et ses deux fils, Joseph son père Jacob (« Joseph se jeta sur le visage de son père, pleura sur lui et l’embrassa. » Genèse 50:1), … 

Jésus lui-même a expérimenté le deuil durant sa vie. On le voit  notamment dans ce passage où il pleure la mort de son ami Lazare, alors même qu’il a annoncé à sa sœur Marthe qu’il allait le ressusciter !

« Marie arriva à l’endroit où se trouvait Jésus. Dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion, il fut bouleversé, et il demanda : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Seigneur, viens, et vois. » Alors Jésus se mit à pleurer. Les Juifs disaient : « Voyez comme il l’aimait ! » Mais certains d’entre eux dirent : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? » Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre. » (Jean 11:32-38)

J’aime beaucoup ce passage de l’évangile de Jean dans lequel on voit Jésus être submergé par le chagrin à quatre reprises, ce qui peut paraître bien étonnant puisqu’il a déjà annoncé à Marthe qu’il allait “réveiller” Lazare. La mort de son ami le bouleverse, comme elle le fait pour nous. Elle est un scandale, une anomalie dans le plan initial de Dieu sur les hommes.

Certains sont touchés par des deuils successifs qui semblent scandaleux et insurmontables. Je pense par exemple à Anne-Dauphine Julliand, cette mère qui a perdu trois de ses quatre enfants (son témoignage est disponible ici). Elle écrit à propos de son fils aîné :  “Si Gaspard n’est pas là, c’est qu’il n’est plus là. Et qu’il ne sera plus jamais là. La réalité explose à retardement. La douleur aussi. On perd ceux qui meurent une fois en entier, puis on les perd sans cesse en détail. Ce sont ces détails qui font le plus mal.” (Ajouter de la vie aux jours, Ed. Les Arènes)

Souffrance de l’absence de l’être aimé, sans perspective de retrouvailles. Cette souffrance qui peut nous saisir à l’improviste de façon si violente. Je me souviens de cela, après la mort de mon bébé, cette absence définitive d’elle qui me faisait comme un coup de poing dans le ventre sans crier gare.

Le remède ❤️‍🩹

Vous me direz, on n’a pas tous Jésus sous la main pour ressusciter nos proches comme Lazare ! Certains tentent d’abolir la mort avec des projets scientifiques fous, comme la cryogénisation. Mais la plupart d’entre nous, nous devons vivre en apprivoisant l’absence des êtres aimés. 

Le chemin que nous propose la Bible pour vivre le deuil est composé d’étapes : 

Pleurer : La Bible ne minimise pas la douleur du deuil. Job, David, Marie et même Jésus ont pleuré leurs proches.

Chercher du réconfort en Dieu, par la prière : Dieu veut nous consoler. « Il est proche du cœur brisé, il sauve l’esprit abattu. » (Psaume 33:19).

Chercher du réconfort auprès des autres : Nous ne sommes pas seuls. « Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi de Christ. » (Galates 6:2). On peut se confier à des personnes ayant traversé un deuil, écouter des témoignages inspirants ou des podcasts spécialisés. Je vous recommande notamment la conférence de Christophe Fauré Vivre le deuil au jour le jour, qui m’a personnellement beaucoup aidée à comprendre les étapes du deuil et à les traverser avec plus de sérénité. Se faire accompagner par un thérapeute peut aussi être une aide précieuse.

S’appuyer sur l’Espérance de la Résurrection : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais.» (Jean 11:25).

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